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Anders Breivik : le silence d'après

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En ce mois d'août, "Marianne" se replonge dans ses archives estivales. Eté 2011, la Norvège découvre Anders Breivik.

>>> Article paru dans Marianne du 30 juillet 2011

Depuis une semaine, on n'entend plus un bruit en Norvège. Le silence est digne. Impressionnant. Assourdissant. Les citoyens du royaume se serrent dans un même mutisme pour affronter l'absence des morts, ceux qui ne sont plus là, mais dont on commence à connaître les noms et les visages. Ceux qu'Anders Behring Breivik, l'un des leurs, Norvégien « pur souche » bien blond aux yeux bleus, a froidement supprimés lors d'un attentat à la bombe artisanale à Oslo (8 morts), ou en les tirant un par un au fusil, comme des lapins, sur l'île d'Utoya, 40 km plus loin, où 600 jeunes travaillistes s'étaient rassemblés (68 victimes).

Soixante-huit exécutions, froidement expédiées, de deux balles parfois - soit une balle par minute pendant une heure et demie -, avec des munitions à fragmentation, pour faire le plus de dégâts possible. Les récits des survivants sont insoutenables. Breivik hurlait et chantait en accomplissant enfin ses actes de terreur, planifiés depuis neuf ans et publiés sous forme d'un manifeste idéologique de 1 500 pages. « Un acte cruel, mais nécessaire pour commencer la révolution... » a-t-il reconnu après son arrestation.

Trois jours plus tard, 150 000 Norvégiens défilaient en silence, une rose rouge à la main, dans les rues d'Oslo. Du jamais-vu dans ce petit royaume de 5 millions d'habitants. Des files d'attente impressionnantes se pressaient sans se bousculer, sans parler, devant tous les fleuristes de la ville. Des enfants, des personnes âgées, des vacanciers bronzés rentrés à la hâte au pays... Personne n'a donné le signal quand, soudain, l'hymne national est monté parmi la foule. Ja, vil elsker dette landet (« Oui nous aimons ce pays »). Un tapis de roses recouvrait la capitale, pour exprimer la tristesse que les mots ne pouvaient pas dire.

Reconstruire ce qui a été perdu

Car face à Breivik, chaque Norvégien se sent responsable. A commencer par les autorités, et surtout le Premier ministre, Jens Stoltenberg, travailliste (social-démocrate), comme les jeunes rassemblés en université d'été sur l'île d'Utoya. Les yeux rougis, il s'est présenté devant l'opinion pour clamer haut et fort un non ferme et définitif : non au terrorisme, non à la destruction des valeurs du royaume, démocratie, ouverture, tolérance.

Un Norvégien sur 10 est d'origine étrangère. Beaucoup sont musulmans. C'est justement ce qu'exécrait Breivik, sympathisant d'extrême droite qui tenait la social-démocratie responsable de cette évolution multiculturelle « inacceptable ». Il vouait une haine toute particulière à Gro Harlem Brundtland, ancien Premier ministre. C'est elle qu'il voulait tuer sur l'île d'Utoya, où elle venait de faire un discours. Le seul objectif non atteint de cet homme qui ambitionnait d'apparaître comme « le plus grand monstre nazi depuis la Seconde Guerre mondiale. »

Depuis une semaine, les Norvégiens musulmans laissent couler leurs larmes avec les autres. La chaleur est communicative, on se réconforte ensemble, on s'étreint, on ose pleurer ouvertement. Bref, on montre ses sentiments, ce qui est très inhabituel dans ce pays, où la retenue est de mise. Mais, après le deuil et le silence, il faut déjà penser à « reprendre Utoya », comme le dit le nouveau slogan des jeunes travaillistes. A reconstruire ce qui a été perdu. Ce qui avait commencé à se perdre avant même qu'Anders Behring Breivik ne tue.

Vibeke Knoop Rachline est journaliste au quotidien norvégien Aftenposten.

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