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Déjà la fin du pétrole de schiste ?

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Le cours du pétrole est à son plus bas niveau depuis plus de six ans. Selon l'économiste Thomas Porcher, une baisse prolongée du prix du baril de pétrole pourrait compromettre les financements de recherche de pétrole de schiste aux Etats-Unis dès 2016.

Marianne: Pourquoi le prix du pétrole chute-t-il depuis plusieurs mois ?
Thomas Porcher: La chute que l’on constate depuis maintenant un an est due à trois éléments. Le premier, et le plus important, est la montée en puissance de la production pétrolière américaine, notamment avec les pétroles de schiste. Nous avons une production qui a atteint, en terme de liquide, les 11 millions de barils par jour. C’est une production énorme. En quatre ans, les américains ont ajouté quatre millions de barils par jour sur le marché. La deuxième raison, qui a accompagné cette baisse, c’est la baisse de la croissance économique mondiale. Nous avons eu d’un côté une hausse de la production de pétrole et de l’autre, une baisse de la croissance économique mondiale : quand il n’y a pas de croissance, il n’y a pas de demande de pétrole. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un pour cent de croissance économique, c’est un pour cent de demande de pétrole en plus. Et le dernier élément qu’il convient d’ajouter, c’est le renchérissement du dollar qu’il y a eu au deuxième semestre de 2014. Cela a rendu le pétrole plus cher lorsqu’on le libelle dans une autre monnaie, ce qui a accompagné cette compression de la demande.  A cela, nous pouvons aussi ajouter -même si là nous débordons du cadre du sujet- le fait que la plupart des pays émergents s’endettent en dollar : donc lorsque le dollar augmente, la valeur de leur dette libellée dans leur monnaie augmente également, ce qui a pour effet direct de compresser l’activité et donc pèse sur leur croissance économique. Pour résumer, une hausse de la production de pétrole accompagnée d’une baisse de la demande : vous avez les prix qui ont été divisés par deux en un semestre.

Aujourd’hui, le prix du pétrole est tombé à son plus pas niveau depuis 2009…
Au premier semestre 2015, nous avons vu le prix du baril de pétrole osciller entre 50 et presque 70 dollars. Actuellement, il est redescendu à 50 dollars, et ce pour plusieurs raisons. La première raison, c’est qu’il y a toujours une suroffre. Nous avons un gap entre l’offre et la demande qui se situe entre 1,5 et 2 millions de barils. Le coup de grâce a été l’économie chinoise, qui ne se porte pas très bien. Le yuan chinois a été dévalué il y a quelques jours et cela a été perçu comme un phénomène révélateur de la mauvaise santé de l’économie chinoise. Il faut savoir que ce pays est le deuxième consommateur de pétrole au monde. Il y a donc encore des doutes sur la demande de pétrole, avec en parallèle une production excédentaire. Aujourd’hui, il y a toutefois un élément qui pourrait changer la donne : l’Agence Internationale de l’Energie a annoncé que la demande de pétrole pourrait repartir au deuxième semestre 2015 et en 2016.

Peut-on imaginer que la reprise des échanges commerciaux avec l’Iran contribue à la production excédentaire de pétrole ?
Oui. Effectivement, il y avait un embargo sur l’Iran. Là, le pays voudrait que les compagnies étrangères reviennent sur le marché pour augmenter sa production, jusqu’à un million de barils par jour. Ce qui pourrait s’ajouter à la suroffre que l’on a aujourd’hui et qui pourraient maintenir les prix plutôt autour de 50 dollars le baril. Toutefois, la production de pétrole en Iran ne va pas repartir du jour au lendemain. Et puis aujourd’hui, le prix du pétrole étant plus faible qu’avant, il faut voir si les projets sont toujours aussi intéressants pour les compagnies. Parce que la plupart des grosses compagnies sont actuellement en train de couper dans les investissements et sont en train de se restructurer, donc c’est une période très difficile pour les majors.

La plupart des majors (Rexxon, Total…) ont fait des bénéfices énormes entre 2004 et 2014, parce que le prix du baril était très élevé. Ces bénéfices étaient majoritairement dus à la hausse du prix du pétrole parce que leur production, elle, diminuait. Aujourd’hui, le prix a chuté de moitié, donc les bénéfices sont moindres. Or c’est avec ces bénéfices que les compagnies investissaient dans les recherches futures, dans l’exploration dans des zones très profondes. Mais aujourd’hui, ça devient de moins en moins rentable d’investir dans certaines zones. Par exemple aller forer en Guyane, comme c’était le cas il y a deux ans, ce ne serait plus possible maintenant, avec le prix actuel du pétrole. Les compagnies vivent en ce moment ce que l’on appelle un « stress-test » : leurs bénéfices diminuent et elles sont obligées de se restructurer. Alors elles licencient et elles investissent moins.

Si il y a moins de bénéfices, et donc moins d’investissements, peut-on imaginer une baisse de l’offre ?
Oui, absolument. Le pétrole, ce sont des temps longs. Ce que l’on investit aujourd’hui, par exemple en exploration, on en verra les bénéfices dans 5, 6 voire 7 ans. Aujourd’hui, nous avons encore des gisements, où l’on était en phase de pré-production (donc où l’exploration était  faite) au moment de la baisse du prix du pétrole, qui vont arriver sur le marché. Il y a également des pays qui gagnent moins d’argent et qui sont tentés d’augmenter leur production au maximum. C’est-à-dire qu’il veulent compenser l’effet très négatif du à la baisse des prix par un effet de volume. C’est le cas de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) qui produit aujourd’hui 32 millions de barils, contre 30 millions il y a de ça seulement un an. Il y a également une certaine résistance des pétroles de schiste américains qui ne voient pas leur production diminuer. Mais quand on regarde l’expérience de 2008, lorsque les prix ont chuté très fortement, on se rend compte qu’il a fallu entre un an et demi à deux ans pour que la production américaine s’affaisse, parce qu’il y avait une production qui était déjà en route. Donc compte tenu des cycles de production des pétroles de schiste, on connaîtra vraiment la capacité de résistance de la production américaine à la fin du premier semestre 2016. En fait, plus le prix du pétrole est bas, plus ça fait mal à leurs investissements. Si on a un prix à 50 dollars, il y a toute une partie des pétroles de schiste qui n’est plus rentable. Donc les compagnies vont se concentrer sur des zones d’exploitation encore rentables qui sont plutôt faibles. Et là, à terme, il y aura moins d’investissement et donc moins de production dans les pétroles de schiste.

20 idées reçues sur l'énergie, T. Porcher, R.H Boroumand et S. Goutte, éd. De Boeck

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