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Djilali Benchabane : "le sultanat d'Oman est un pivot central du Moyen Orient"

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La libération de l’otage Isabelle Prime la semaine dernière a mis en lumière le rôle de la diplomatie omanaise au Moyen Orient. Djilali Benchabane est un universitaire spécialiste du Moyen Orient. Pour lui, la neutralité d’Oman repose sur la volonté politique du sultan Qabous, dont la succession prochaine pourrait menacer l’équilibre du pays et de la région.

Marianne: La libération, la semaine dernière, de l’otage Isabelle Prime, négociée par le sultanat d’Oman avec le Yémen, a révélé l’importance diplomatique de ce petit état du golfe. Comment définiriez-vous la politique régionale omanaise ?

Djilali Benchabane: Oman est un Etat très peu visible sur la scène médiatique régionale ce qui ne l'empêche pas de disposer d’une diplomatie extrêmement active. Le sultanat est certes plus en retrait par rapport à d’autres Etats du Golfe tels que le Qatar, les Emirats Arabes Unis ou l’Arabie saoudite qui sont des acteurs économiques et politiques très en vue dans cette région. Mais c’est un Etat qui joue un rôle clef au Moyen-Orient grâce à la logique de bon voisinage qu'il a su mettre en place et qui fait de lui un médiateur incontournable. Il n’y a pas à ma connaissance de pays de la région qui serait actuellement en froid avec Oman. Le sultanat mène une diplomatie indépendante de celle de ses voisins régionaux, il ne prend pas part aux conflits de la région et se trouve donc en capacité de dialoguer avec tout le monde. C’est ce rôle de médiation qui a favorisé la libération de l’otage, et permis à Oman d'être l’entremetteur clé dans le rapprochement entre Washington et Téhéran.

Comment un état peut-il s’imposer comme médiateur neutre dans une région si troublée ?

La clef de ce positionnement, c’est le sultan Qabous. Depuis sa prise de fonction à la tête du sultanat, le souverain été pragmatique au possible : Oman ne disposant pas de richesses énergétiques importantes mais d’une position stratégique intéressante, tant diplomatiquement que géographiquement (Oman contrôle avec l’Iran le détroit d’Ormuz qui concentre 40% de la production mondiale de pétrole ndlr), ce pays devait être en mesure de discuter avec tout le monde, sans être contraint par des alliances. Rares sont les pays qui parviennent à s'extraire des rapports de force. Mais cette prise de distance est une stratégie en soit : en favorisant l’utilité au détriment de la puissance, Oman est sur un créneau différent. Ce qui en fait un pivot central. Qui d’autre aujourd’hui pour faire dialoguer l’Arabie saoudite et l’Iran si ce n’est Oman ? Les pays occidentaux ont compris ce rôle clef d’Oman. Pour les américains, Oman est à la fois la porte d’entrée du Golfe, le gardien du détroit d’Ormuz, et un passage obligé en direction de l’Asie. Un partenariat renforcé permettrait aux Etats Unis de pouvoir contrôler en partie le robinet énergétique en direction de l'Asie et donc de disposer d’un levier supplémentaire dans la logique d’affrontement qui se dessine avec la Chine. En France, nous n’avons pas établi le même niveau de relations avec Oman qu’avec le Qatar ou les Emirats arabes unis. Nous n’avons pas su anticiper l’importance de cet interlocuteur.  Il y a certes une prise de conscience aujourd’hui, mais un peu tardive.  

La religion (ni chiite ni sunnite mais ibadite) a-t-elle également un rôle à jouer dans cette politique de neutralité ?

En effet, la force de l’islam omanais est qu’il se veut consensuel : on n’est pas dans la défense d’un bloc sunnite contre un bloc chiite mais dans la construction d’un islam national. Et c’est avant tout au sultan Qabous que l'on doit ce succès. Il est le maître d'œuvre de cette architecture sociétale et le garant de l’équilibre avec les pays voisins. La concentration du pouvoir est bien entendu extrêmement importante à Oman, on ne peut pas parler de régime libéral: toutes les grandes décisions relèvent exclusivement du sultan. Mais Qabous a su néanmoins conserver une proximité avec la population et les grandes familles. Oman a connu un petit printemps arabe en 2011, qui suivait un effet de masse dans la région. Qabous a essayé d’y répondre en octroyant un certain nombre d’aides sociales et en créant des emplois. Aujourd’hui, une des inquiétudes principales est justement la stabilité de l'Etat en raison d'une succession prochaine du sultan, qui souffrirait d’un cancer.

Qui pourrait lui succéder ?

Qabous n’a pas d’enfants, on parle de son cousin germain, Assad al Saïd qui jouit d’une bonne image auprès de l’appareil militaire et sécuritaire omanais et qui est aussi connu pour son intégrité. Mais la tâche pour le successeur, quel qu’il soit, ne sera vraiment pas aisée. Nous sommes dans une période de profonde instabilité, de recomposition du Moyen Orient, avec entre autre la rivalité saoudo iranienne, l’intérêt des Etats Unis sur Oman, la puissance croissante de l’Iran… Ce sont autant de défis qui aujourd’hui se posent, si vous y ajoutez en plus la dimension Etat Islamique et donc sécuritaire ! Car l'une des craintes causée par la succession serait de voir surgir une forme de radicalisation, qui jusqu’à présent n’a pas pu prendre pied sur le sol omanais. La minorité sunnite (15% de la population ndlr), sans Qabous, pourrait devenir sensible à certains discours radicaux et entrer dans une logique velléitaire par rapport au consensus instauré jusque là. La question omanaise aujourd’hui est de savoir si celui qui sera désigné pour la succession sera capable de conserver ce qui fait l’originalité d’Oman. En premier lieu maintenir un islam consensuel qui le met en dehors des conflits interreligieux. Ensuite, sa capacité à conserver une posture diplomatique neutre. C'est notamment à travers cette question de la succession que nous verrons si Oman peut continuer à être  la « Suisse du Moyen Orient ».

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