>>> Article paru dans Marianne du 10 juillet

Le Paradis des animaux : le titre intrigue. Une fois le livre terminé, on est tenté de le compléter avec « l'enfer des hommes ». Qui souffre le plus dans les 12 nouvelles offertes en cadeau printanier par un jeune surdoué américain, David James Poissant, 33 ans, quasi inconnu ici et déjà considéré outre-Atlantique comme un légitime héritier du grand Raymond Carver ? Les bêtes, on le sait, ne pensent pas et endurent en toute « innocence » ce que la vie leur réserve quand les Homo sapiens portent le plus souvent comme un fardeau, et une culpabilité, la conscience de ce qu'ils sont ou auraient pu être.

La Ferme des animaux, chef-d'œuvre d'Orwell, proposait une satire en règle du cochon bolchevique et de l'étouffoir totalitaire auquel il a réduit la patrie du « socialisme réel ». De sa ménagerie personnelle (lézard, loup, alligator, chien, bison, etc.), David James Poissant fait un autre usage, moins frontalement politique mais, d'une certaine manière, tout aussi radical, des bestioles qui servent ici de révélateur, de déclencheur ou d'exutoire aux errements d'individus enfermés dans leurs mensonges, leurs trahisons et leurs regrets. Pas une nouvelle n'est faible, deux ou trois tutoient les sommets du genre. Le ciel y est bas et, parce que rares, les sursauts d'humanité ne s'oublient pas.

Le Paradis des animaux, de David James Poissant, Albin Michel, 330 p., 25 €.