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Europe : il n'y a d'issue que vers le haut

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"J'ignore, à l'heure où j'écris, si l'épisode actuel se terminera par un compromis ou par le fameux “Grexit” ; mais il y a fort à parier qu'on ne fera que retarder les échéances", estime Jacques Julliard car il y a, selon lui, ce qu'il nomme "une crise grecque de l'idée européenne". En somme, poursuit-il, "l'Europe est née de l'impossibilité de la politique ; elle est en train de périr de son absence. Il faut donc reprendre l'entreprise où elle a été abandonnée."

Dans cette affaire grecque, personne n'est innocent parce que depuis des années tout le monde vit dans l'imposture. Le principal responsable, c'est l'Europe qui a accueilli sans broncher en son sein un pays dont les experts savaient qu'il n'était pas prêt ; autrement dit qu'il n'y pouvait survivre que grâce à une fuite en avant permanente et à un recours continu à l'emprunt. N'oublions pas que c'est la France de Valéry Giscard d'Estaing qui a tenu sur les fonts baptismaux européens « le pays de Platon ». Pourquoi ? On ne saura jamais très bien : pour faire un coup ; pour être à l'initiative...

Les banques se mettent à crier "Mes créances ! Mes créances !" comme Sganarelle crie "Mes gages ! Mes gages !"Alors les experts de toutes sortes, les banquiers, ont fermé les yeux sur les comptes truqués qu'on leur présentait. C'était un secret de Polichinelle, et comme tous les secrets de ce type il suffit pour les bien garder de les confier à l'opinion publique, qui n'a personne à qui les révéler... Mieux ou pis que cela : c'est la banque américaine Goldman Sachs qui a organisé scientifiquement ce maquillage grossier. Alors, lorsque les banques se mettent à crier « Mes créances ! Mes créances ! » comme Sganarelle crie « Mes gages ! Mes gages ! » après avoir été longtemps le complice de dom Juan frappé par la foudre, les banquiers donc, à force d'avoir prêté à fonds perdus, prêtent aujourd'hui à rire. A ceci près que les banquiers ne perdent jamais d'argent ; ceux qui le perdent, ce sont les déposants, c'est-à-dire nous-mêmes.

Quant aux gouvernements grecs, ceux d'hier comme celui d'aujourd'hui, leur faute est d'avoir, à la différence des autres pays européens en difficulté, du Portugal à l'Irlande en passant par les pays baltes, continué de compter exclusivement sur le capitalisme international, c'est-à-dire ces banques, si vilipendées par ailleurs, pour assurer leurs fins de mois. Se faire confirmer dans sa légitimité et dans sa ligne politique par référendum relève de l'habileté politique. Mais on aurait été plus convaincu des qualités d'homme d'Etat d'Alexis Tsipras s'il en avait profité pour faire approuver par le peuple un plan draconien d'éradication de la corruption, de la lutte contre les inégalités criantes, d'imposition des armateurs et de l'Eglise orthodoxe, et de relance économique. Il est assez facile de faire adopter par le peuple un plan de lutte contre l'austérité et contre les vampires de Bruxelles ; plus difficile de le mobiliser pour prendre son destin en main. Car c'est à Athènes, non à Bruxelles, que se joue l'avenir de la Grèce ; celui-ci dépend moins d'un nouveau plan international de sauvetage par la finance internationale que d'un plan grec de sauvetage de la Grèce.

J'ignore, à l'heure où j'écris, si l'épisode actuel se terminera par un compromis ou par le fameux « Grexit » ; mais il y a fort à parier qu'on ne fera que retarder les échéances. Cela risque d'être le cas pour la Grèce qui tôt ou tard demandera de nouveaux secours, et alors, au lieu de la fierté retrouvée, ce sera la mendicité permanente. L'Europe n'aura fait que retarder les échéances ; l'échéance principale étant encore devant nous : à savoir celle de sa naissance comme entité politique.

L'Europe est née de l'impossibilité de la politique ; elle est en train de périr de son absence. Il faut reprendre l'entreprise où elle a été abandonnéeLorsque, en 1950, Robert Schuman lança le pool charbon-acier entre la France et l'Allemagne, il était, pour des raisons historiques et psychologiques, impossible d'aller plus loin. Cinq ans à peine après la chute du nazisme, il était littéralement impensable d'imaginer une union politique avec l'Allemagne. Mais c'est à la suite de l'effondrement de l'Europe communiste orientale que le fil de la construction européenne a été cassé. L'Allemagne, pour se constituer une zone d'influence dans l'Est, et l'Angleterre, pour entraver au moyen du nombre cette construction elle-même, ont imposé à la France l'élargissement avant le renforcement. De sorte que la Grèce, si spectaculaires que soient ses soubresauts, ne doit être considérée que comme un cas particulier de cette folle déconstruction européenne ; un ensemble qui, comme les dinosaures du secondaire, finit par s'effondrer sous son propre poids. Il y a donc aujourd'hui une crise grecque de l'idée européenne. Aujourd'hui, il n'y a pas d'Europe imaginable sans euro ; pas d'euro imaginable sans l'axe franco-allemand ; pas d'axe franco-allemand imaginable sans le rétablissement de la politique au poste de commandement : l'Europe de demain sera politique ou ne sera plus.

L'Europe est née de l'impossibilité de la politique ; elle est en train de périr de son absence. Il faut donc reprendre l'entreprise où elle a été abandonnée, sous le poids de la facilité et des égoïsmes nationaux. Il y a dans le philhellénisme soudain de certains - par exemple au Front national, mais pas exclusivement - trop d'europhobie chronique pour ne pas être sur ses gardes. Il ne viendrait à l'esprit de quiconque conteste aujourd'hui la politique de la France d'en conclure à la nécessité d'abolir la France. Les insuffisances et les fautes de cet ensemble croupion qui nous sert d'Europe ne doivent pas nous conduire à l'idée funeste de la destruction de l'Europe. Recommencer par le commencement est le dur impératif du moment. Si les nations souches de l'Europe retrouvent leur mission fondatrice, tout le monde, y compris la Grèce, finira par y trouver son compte.

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