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Jacques Billard : "On naît en république, mais on apprend à devenir républicain"

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En ce mois d'août, "Marianne" se replonge dans ses archives estivales. Eté 1998, le triptyque : Education, République et programme scolaire faisait déjà débat...

> > > Article paru dans Marianne du 24 août 1998

Où en est-on, aujourd'hui, de l'instruction civique à l'école ?
C'est une matière qui est enseignée dans le primaire et dans les collèges, assez peu dans les lycées et pas du tout dans le post-baccalauréat. D'abord on ne dit plus «instruction civique» mais «éducation civique». Autrefois on disait «instruction civique et morale». Mais aujourd'hui on préfère - hélas ! - parler d'éducation et le mot morale a disparu.

Pourquoi hélas ? L'éducation n'est-elle pas préférable à l'instruction ?
En apparence, oui, mais en fait, non. L'éducation, c'est l'exhortation. On essaie de convaincre les enfants de bien agir. L'instruction; c'est la compréhension. On leur demande de comprendre pourquoi il faut bannir tel ou tel comportement. Il est vrai que la plupart des éducateurs font en fait de l'instruction, de sorte que cette querelle de vocabulaire peut paraître un peu vaine. Mais il peut être bon de rappeler que la mission de l'école est d'éduquer par l'instruction, c'est-à-dire en faisant principalement appel à la capacité de comprendre et non de se satisfaire de la seule exhortation.

Et la disparition du mot morale ?
J'ai moi-même posé la question, en leur temps, aux responsables des programmes. C'était en 1985. Il m'a été répondu que c'était un mot qui ne «passait» plus et que, de toute façon, il était compris dans le mot «éducation». Il est très regrettable que les responsables de l'Education nationale hésitent à employer les mots essentiels de l'éducation. Il faut que l'Education nationale assume hautement l'idée morale.

On n'enseigne plus la morale dans l'Education nationale ?
Je vais certainement scandaliser nombre d'instituteurs et de professeurs en disant qu'en effet on n'enseigne plus guère la morale car ils ont l'impression, eux, de le faire. Pourtant, c'est moins la morale qui est enseignée que les règles de la vie en commun. En outre, ces règles sont enseignées par la pratique plus que par la prise de conscience de leur nécessité. On fait exercer des petites responsabilités, on organise des débats «démocratiques»... Tout ceci est intéressant et utile, mais je ne suis pas sûr qu'on entre ainsi dans l'univers de la morale. La morale suppose la considération du bien ou de la rectitude, dont il faut avoir une véritable conscience. C'est une affaire d'intériorité plus qu'un réglage des rapports à autrui.

Que pensez-vous des manuels actuels d'éducation républicaine ?
Ah ! Il faudrait que vous me les montriez. Je n'en connais pas. Il existe de nombreux manuels qui font découvrir les principales institutions politiques, souvent par des méthodes d'enquête, comme s'il s'agissait là d'une science d'observation. On ne peut pas parler d'éducation républicaine. Pour qu'il y ait éducation républicaine, il faudrait que les institutions politiques soient rapportées à leurs principes essentiels: souveraineté, séparation des pouvoirs et garantie des droits. Puis, à partir de ces principes, rendre compte des institutions existantes en montrant le processus historique qui les a produites. Eventuellement en signalant leur perfectibilité. Mais une pure description des institutions existantes donne une impression d'arbitraire et d'inutilité.

Les programmes d'instruction civique ont-ils énormément varié de la IIIe République à nos jours ?
Oui. Les programmes de la IIIe République étaient républicains et moralisants. Ceux de nos jours sont démocratiques et socialisants. Il faudrait les deux. Mais revus. C'est-à-dire une morale non moralisante et une approche politique aussi bien démocratique que républicaine. Mais, évidemment, ce serait un peu long à développer. La difficulté vient de ce qu'un tel programme nécessite une sorte de consensus dans le pays. Or, cette matière est sensible et tout programme sera nécessairement violemment critiqué. Pour l'établir tout de même, il faudrait que le pouvoir politique s'y engage résolument et prenne le temps, par des débats publics, de susciter ce consensus. Car je suis sûr qu'en France un tel consensus peut se trouver.

Certains parlent aujourd'hui d'école citoyenne, voire de contrat de citoyenneté au sein des lycées. N'est-ce pas là une manière d'échec que de vouloir imposer le civisme à l'école ?
En tout cas, il y a un risque de malentendu. J'ai l'impression que ce qu'on entend aujourd'hui par civisme, c'est le fait de respecter le matériel public, ne pas couvrir les murs de tags, etc. Tout ceci est très bien, très utile, et il faut y arriver. Mais ce n'est ni de l'éducation civique ni de la morale. L'éducation civique forme le citoyen et un citoyen bien formé respecte le mobilier urbain. On ne parviendra jamais au civisme en cherchant à faire l'économie de la formation du citoyen et de la formation morale. Et si l'on réalise correctement l'un et l'autre, on aura résolu la question du civisme. Et bien d'autres problèmes. Le ministère actuel avait eu une bonne idée, il y a, je crois, un an: un enseignement civique dans les lycées. Le premier objet de programme n'était pas mauvais... Malheureusement il est passé à la trappe à la suite d'innombrables frilosités dont l'Education nationale a le secret. Dommage.

Pourquoi y a-t-il si peu de symboles républicains dans les écoles et les universités nouvelles ?
Tout simplement parce qu'il y a quelques années la mode était au dénigrement et à la négation de la France, au refus de la nation française, etc. De sorte que les symboles de la République ont été récupérés par l'extrême droite et qu'il est maintenant difficile de les lui reprendre. Pourtant, on pourrait. La Marseillaise a été chantée spontanément par tous lors de la Coupe du monde et il n'y a plus que quelques intellectuels dépassés et vieillis pour refuser que la France ait de l'allure. Mais les Français, dans leur majorité, aiment leur pays et y croient ! Il faudrait, de la part des intellectuels, peut-être, une action résolue en vue de réinstaller non seulement les symboles mais aussi les grands noms qui ont fait la nation. Et ne pas laisser l'extrême droite en faire son profit.

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