L'ADN de l'art

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Grand noms, confirmations, nouveaux talents... Sur les quelque 589 romans français et étrangers à paraître cet automne, voici nos coups de coeur.

> > > Article paru dans Marianne du 14 août

Richard Powers s'est rendu célèbre grâce à de (très) bons romans dans lesquels l'écriture se retrouve tractée par une idée puissante. Ce fut notamment le pari d'extirper des vies fictionnelles d'une vielle photographie dans Trois fermiers s'en vont au bal, la volonté de condenser l'histoire du capitalisme dans Gains ou l'hypothèse d'un « gène du bonheur » dans Générosité. Il y a donc toujours eu une part de tour de force chez cet écrivain ; une manière de concevoir l'art romanesque comme un pied-de-biche capable de faire sauter un pan du monde, pour ensuite le coincer entre deux lames de verre et l'ausculter au microscope. Après tout, voilà une œuvre guidée par la certitude qu'une « fiction cohérente l'emporte toujours sur la réalité de notre éparpillement », comme le formulait un personnage de la Chambre aux échos.

Orfeo ne déroge pas à cette règle, mais il semble que Powers desserre légèrement l'étau qui lui permettait de fermement tenir son sujet. Il est cette fois question d'un compositeur méconnu - pour ne pas dire raté - qui consacre sa retraite à jouer les apprentis chimistes. Animé par l'espoir de sculpter une mélodie dans l'ADN d'une bactérie, le septuagénaire finit par attirer l'attention des autorités américaines et se retrouve à fuir à travers le pays avec l'étiquette « Bach du bioterrorisme » sur le dos. Tous les ingrédients d'un Powers se retrouvent bien en place : la science moderne comme idéal de connaissance déréglé par l'hubris, la paranoïa de nos Etats incapables de développer une autre relation avec ses citoyens que par le désir de contrôle et un art ou une science modelant la forme du récit (ici, principalement la musique, capable de suspendre le temps ou d'enjamber les époques à travers les mélodies évoquées).

Mais la vraie différence, le vrai relâchement à l'œuvre dans Orfeo passe par l'application d'une théorie de l'art qu'on n'aurait pas soupçonnée chez Powers : l'art, tout comme les mélodies et les bactéries, existe à l'état brut, il ne faut pas nécessairement un dispositif ultraélaboré pour les prélever, il faut seulement être attentif.

Orfeo, de Richard Powers, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean-Yves Pellegrin, Le Cherche-Midi, 428 p., 22 €.

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