Drôle d'ambiance à Marennes, petite ville de Charente-Maritime. D'un côté de la rue, les frondeurs socialistes, représentants la « motion B » lors du précédent congrès, se réunissaient ce jeudi — et jusqu'à ce vendredi matin — dans une salle polyvalente. De l'autre, était installé le cirque Zavata, qui commençait par haut-parleur à faire sa pub sur ses acrobates...
"Chaque jour qui passe nous précipite dans le mur en 2017"Ainsi, alors que la direction du PS explique à l'envie que « la fronde, c'est fini », la gauche du parti et les parlementaires « frondeurs » semblent de plus en plus écartelés par la politique menée par le gouvernement. Certains préfèrent parler de leurs vacances. D'autres arborent des mines graves. Tandis que Gérard Filoche se désespère, « chaque jour qui passe nous précipite dans le mur en 2017 », confie-t-il. Benoît Hamon préfère annoncer sa volonté de déposer des amendements au Parlement sur trois dossiers : la revalorisation des primes des enseignants du primaire (de 400 à 1 200 euros), la question des contrôles de police au faciès et celle du burn-out au travail. « Des propositions qui ne coûtent pas un sou », martèle-t-il. Car, sur les futures discussions budgétaires, l'ancien ministre de l'Education nationale est particulièrement pessimiste : « S'il faut rouvrir le débat jusqu'au bout, il ne faut pas être naïf sur son issue... »
Que faire ? Partir du PS comme François de Rugy de chez Europe Ecologie – Les Verts ?Alors, pour les frondeurs, la question suivante est sur toutes les lèvres : que faire ? Partir du PS comme François de Rugy de chez Europe Ecologie – Les Verts ? Entouré de journalistes qui le pressent de questions à ce sujet, le député Christian Paul, représentant la motion B lors du dernier congrès de Poitiers, assure que les frondeurs ne sont pas près de quitter le parti : « Concernant François de Rugy, si le but, c'est de faire une petite cabane verte, c'est voué à l'échec. Moi, je ne vais pas faire la petite cabane rose dans la prairie... Nous n'avons pas décidé de partir du PS, ni de le laisser à quiconque », prévient-il. Ajoutant : « Je ne me sens pas isolé au sein du PS. Je pourrais même signer le livre de Jean-Marc Ayrault sur la réforme fiscale ! » Mais le même de reconnaître que la situation est « difficile » : « Au sein du PS, deux gauches s'affrontent. Je suis convaincu que le moment clé sera l'été 2016 avant l'élection présidentielle. Nous aurons à faire un inventaire avant l'élection, afin de déterminer la conduite à tenir ». Bref, les frondeurs restent suspendus, malgré eux, à la décision de François Hollande de se représenter... ou pas. « Pour le président, c'est la rentrée de la dernière chance... Quand le dialogue se résume à un duo Valls-Medef, ce n'est plus une démocratie sociale. L'un des bons livres politiques de la rentrée est bien celui de Pierre Rosanvallon. Est-ce qu'un gouvernement doit gouverner enfermé dans ses certitudes ou en interaction avec la société ? »
"La recomposition à gauche viendra si Hollande ne va pas à la présidentielle"En off, les frondeurs se font plus précis sur leurs réflexions en cours sur 2017 : « La recomposition politique à gauche viendra si Hollande ne va pas à la présidentielle », souffle l'un. « Valls, Rugy et Hollande, c'est un peu l'équipe de France de 2010... », raille un autre. « Jean-Luc Mélenchon et Jean-Christophe Cambadélis ont besoin de l'un et l'autre », analyse un troisième.
Les institutions actuelles bloquent toute reconfiguration en dehors de 2017 : « À gauche du PS, pour l'instant, tout le monde veut porter la croix. Partir du PS pour faire quoi ?, se demande l'un des leaders de la gauche du parti. À ce stade, nos camarades ne sont pas prêts à partir dans une aventure de ce type ». « Seul déverrouillage possible : qu'Hollande ne se représente pas », abonde un de ses amis. Bref, pour les frondeurs, il est urgent d'attendre. Malgré les nuages qui s'accumulent à l'horizon, à commencer par les élections régionales : « Une boucherie pour nous », prédit, dépité, un frondeur.