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Mais à quoi sert encore le baccalauréat ?

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Faut-il "se réjouir", s'interroge Claude Obadia, que près de 90 % des candidats décrochent leur baccalauréat ? Le philosophe note en tout cas que cette "réussite massive" à cet examen ne signifie pas pour autant "leur aptitude à poursuivre des études supérieures". Et il se demande s'il "ne serait pas plus cohérent de lui substituer une évaluation opérée tout au long de l’année ?"

La session 2015 du baccalauréat est sur le point de s’achever, qui verra, dans les filières générales, plus de 90 % des candidats réussir l’examen. Faut-il se réjouir d’un tel taux ? Telle est la question à laquelle nous répondrons en prêtant attention aux faits.

Comme l’a établi la dernière enquête PISA sur le niveau des élèves (1), la France est, parmi les pays de l’OCDE, la championne des inégalités scolaires, qui voit moins de 5 % des étudiants issus de milieux ouvriers dans les grandes écoles et les troisièmes cycles universitaires. Comment, dès lors, ce premier fait pourrait-il ne pas mettre un comble aux politiques scolaires menées depuis quarante ans ? En effet, l’École française ne se veut pas seulement le lieu de l’instruction. Elle se veut le creuset de la Nation, ce qui a déterminé le développement d’un modèle scolaire méritocratique : la meilleure réussite pour les meilleurs. Que cet équilibre émancipateur vacille, et c’est tout l’édifice républicain qui s’en trouve délégitimé. C’est d’ailleurs ce qui se produisit à la fin des années soixante sous l’influence de Pierre Bourdieu qui accusa notre système éducatif de favoriser la reproduction des élites. Or, s’il est clair que le lycée et l’université, en 1969, restent fermés à double tour pour les jeunes issus des milieux défavorisés, l’enquête évoquée plus haut montre que les politiques menées depuis n’ont pas réussi leur « pari démocratique ».

Deuxième fait qui réclame la plus grande attention : le taux moyen de 91,5 % de réussite à l’examen du baccalauréat ces trois dernières années. Cette réussite massive des candidats signale-t-elle leur aptitude à poursuivre des études supérieures ? Absolument pas puisque, là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Plus de 44 % des étudiants inscrits en première année de licence échouent à l’examen de passage en deuxième année ! Par où l’on voit que si 44 % des bacheliers échouent en première année de licence, c’est tout simplement parce que, au nom de la démocratie, on a cessé de les sélectionner scolairement avant le baccalauréat.

Nous économiserions plus d’un milliard et demi d’euros. L’autorité des professeurs en serait renforcéeD’où bien sûr deux questions. La première : à quoi sert aujourd’hui cet examen ? Quand 44 % des étudiants échouent en première année, il ne mesure pas leur aptitude à poursuivre des études supérieures. La seconde : pourquoi maintenir en l’état un examen réussi par l’écrasante majorité des candidats ?

Car enfin, ne serait-il pas plus cohérent de lui substituer une évaluation opérée tout au long de l’année ? Nous économiserions plus d’un milliard et demi d’euros. L’autorité des professeurs en serait renforcée. D’aucuns redoutent qu’une évaluation non anonyme soit moins équitable. Mais est-il certain qu’une notation anonyme soit plus juste et plus responsable ? Qu’il nous soit permis d’en douter. Qu’il nous soit aussi permis de répondre à ceux qui craignent que la suppression de l’examen terminal du baccalauréat ne stigmatise les lycées de banlieues. Car nous ne voyons pas, ici, où est le problème. Les filières sélectives recrutent leurs étudiants à partir des dossiers qui leur sont transmis fin mars. Quant aux filières universitaires, elles sont en majorité accessibles de plein droit à tout bachelier. La suppression de l’examen terminal ne désavantagerait donc nullement les élèves scolarisés dans les établissements des quartiers dits sensibles.

À tous égards, les politiques scolaires menées depuis quarante ans ont renforçé les inégalités qu’elles se donnaient pour objectif de combattre, le baccalauréat n’étant ici que l’arbre qui cache la forêt d’un formidable gâchis où la bonne volonté nourrit l’aveuglement idéologique. Est-il vain d’espérer, à l’heure où nos concitoyens se montrent de plus en plus vulnérables aux apprentis sorciers de la politique, que les pouvoirs publics pourront réconcilier les Français avec leur École, et donc avec eux-mêmes ?

(1) Publiée en janvier 2014.

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