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Matthias Fekl : "La France n’acceptera jamais la remise en cause de choix démocratiques"

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Ce mardi, la Commission européenne publiait les résultats de la consultation qu'elle a menée sur l'opportunité de maintenir dans les négociations sur le traité transatlantique, les tribunaux d'arbitrage supranationaux. Résultat : sur 150 000 réponses reçues, un rejet massif des opinions publiques européennes. "Marianne" a interrogé Mathias Fekl, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, pour connaître l'interprétation qu'en fait le gouvernement français.

Marianne : Comment interprétez-vous les résultats de la consultation communautaire sur les tribunaux d’arbitrages privés qui montre clairement un rejet de ces mécanismes prévus dans le traité transatlantique ?

Matthias Fekl : Les résultats de cette consultation étaient très attendus par les citoyens et les gouvernements. Ces derniers mois, nous avons beaucoup travaillé sur le fond de la question qui était posée, travail de réflexion et d’analyse ici au quai d’Orsay, et travail diplomatique de ma part et de la part de nos ambassades en Europe et bien sûr à Bruxelles. La publication de ce rapport ouvre une nouvelle phase d’action sur ce sujet. Nous sommes en réalité au début sur ces questions d’arbitrage. D’abord parce qu’il y a eu des évolutions sur l’arbitrage ces dernières années qui, à l’origine, a été inventé, je le rappelle, pour protéger des investisseurs privés contre des expropriations décidées par des États. En clair, pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Mais nous avons constaté que ces dernières années, la pratique a évolué vers des procédures intentées par des multinationales visant les choix politiques des Etats en matière de santé publique ou de choix énergétiques, par exemple. Ce qui fait peser le risque que des arbitrages — ce qui n’est pas leur vocation première — remettent en cause des choix démocratiques formulés par des peuples souverains. C’est pour cette raison que la question se pose aujourd’hui et qu’il est temps d’ouvrir un certain nombre de débats de principe.

Quelle est la position de la France ?

La France a une position simple. Elle n’acceptera jamais que des juridictions privées, sur saisine de multinationales, puissent remettre en cause des choix démocratiques de peuples souverains. C’est le principe qui guidera notre action dans les semaines et les mois à venir.

Ce qui veut dire que la France rejette en bloc le mécanisme d’arbitrage ?

Cela veut dire que le mécanisme d’arbitrage, tel qu’il existe aujourd’hui, ne répond pas à un certain nombre d’exigences, par exemple, le droit à réguler des Etats, le respect des choix démocratiques ou encore implication des juridictions nationales dans les décisions de ces litiges. La position de la France est constante là-dessus, elle a été rappelée par Laurent Fabius, par mes prédécesseurs et par moi-même. Ces critères ne sont pas suffisamment remplis. Au niveau européen, on retrouve cette même analyse et la consultation publique le confirme. Et en l’état, il n’y aurait de toute façon pas de majorité au Parlement pour voter un texte intégrant ce mécanisme. Voyez les travaux précis, argumentés, de très grande qualité tant au Parlement français qu’au Parlement européen.

C’est une manière de laisser la porte ouverte…

Il faut lutter contre les risques sérieux que fait peser le mécanisme d’arbitrage tel qu’il existe aujourd’hui. Et il faut inventer les modalités de règlement du XXIème siècle. Il faut d’abord s’assurer que des entreprises ne puissent pas s’attaquer à des choix de politiques publiques décidés par les peuples et les parlements nationaux. Il faut aussi lutter contre les demandes hallucinantes de certaines multinationales qui font peser sur les contribuables les conséquences des procès qu’elles intentent. Ce qui veut dire que le mécanisme actuel n’est pas suffisant malgré les avancées et qu’il y a un certain nombre de pistes en débat. Il faut un vrai contrôle et une vraie implication des juridictions nationales dans les procédures. Il faut réfléchir à des mécanismes d’appel des décisions arbitrales. Il faut mettre en place la possibilité de condamner lourdement les entreprises pour des requêtes abusives contre des Etats. Aujourd’hui un groupe qui attaque un Etat ne risque rien, si ce n’est les frais de procédures. Il faut donc mettre en place des possibilités de condamnations dissuasives. Il faut aussi regarder du côté des arbitres et lutter résolument contre les conflits d’intérêts. Il n’est pas acceptable qu’un juge arbitral se retrouve ensuite plus tard en train de plaider comme avocat devant une juridiction arbitrale ! Et puis il y a un travail à faire sur la transparence des procédures, sur la manière dont les ONG doivent pouvoir y prendre pleinement part. Je sais que des préoccupations proches des nôtres s’expriment dans la société allemande. Mon homologue allemand ainsi que Sigmar Gabriel (vice-chancelier et ministre de l'Economie, ndlr) se sont exprimés là-dessus et je me rendrai prochainement à Berlin pour évoquer ces sujets.

Justement, les Allemands semblent beaucoup plus radicaux sur cette question ? 

Pour avoir des échanges fréquents avec Berlin, je sais que les positions de nos deux pays sont très proches. Des membres du gouvernement allemand se sont exprimés dans le même sens que nous. Comme la France, ils ne sont pas favorables à l’inclusion d’un mécanisme d’arbitrage. Mais ni l’Allemagne ni la France ne sont seuls dans l’Union européenne.

N’y-a-t-il pas eu une évolution entre vous et votre prédécesseur Nicole Bricq qui semblait plus combattive sur le sujet ?

Nicole Bricq n’était ni plus ni moins favorable au mécanisme d’arbitrage que nous. A l’époque, elle avait émis les réserves que j’ai confirmées depuis mon entrée en fonction auprès de Laurent Fabius. Il faut aussi avoir en tête que l’arbitrage, tel qu’il est conçu à l’origine, protège les entreprises françaises dans le monde entier contre les expropriations. Mais on rentre dans autre chose lorsque les Etats sont attaqués, non pas à cause de pratiques condamnables, mais dans leurs choix démocratiques. Si c’est ça l’arbitrage, il est évident que ce n’est pas acceptable. Je ne pense pas que Nicole Bricq ait dit autre chose. Elle n’a jamais dénoncé la centaine d’accords qui lient notre pays à d’autres pays où il y a des mécanismes d’arbitrage. Il y a une cohérence entre ce qu’elle a pu dire à l’époque, ce que l’on fait aujourd’hui et ce que l’on fera.

Donc, les mécanismes d’arbitrage ne sont pas condamnables en soi ?

A l’origine, l’arbitrage a été conçu pour apporter des réponses à un certain nombre de situations problématiques pour les entreprises, y compris les PME. Mais aujourd’hui, les dérives de l’arbitrage font que l’on se retrouve confronté à des attaques massives contre des choix démocratiques pourtant validés par les citoyens et exprimés par des parlementaires. 

Quelles conséquences aura ce rapport sur les négociations en cours ?

La Commission a rendu un rapport factuel qui rend compte du travail de consultation. Ce qui importe ce sont les actions qui vont être engagées avec tous nos partenaires européens, en particulier avec l’Allemagne qui a des vues assez proches des nôtres sur les avancées possibles. Partout en Europe, il y a des réticences vis-à-vis de ces mécanismes là et personne ne pourra faire l’impasse là-dessus.

 

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