Un référendum, sinon rien !

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Le plus inquiétant dans cette folle séquence que nous venons de vivre aura été la tentative d'une partie des élites de diffamer toute recherche d'une voie alternative à la camisole néolibérale. Le procédé le plus répandu a consisté à disqualifier les dirigeants grecs. Il serait intéressant d'organiser un grand référendum dans tous les pays de l'Union pour voir ce que pèsent les Juncker, les Monti, etc.

Grèce : pourquoi tant de haine ? Comment expliquer que la seule vue du label hellène mette l'écume aux lèvres de la quasi-totalité de nos éditorialistes et publicistes vitrifiés dans leurs hautaines certitudes ? Comment expliquer que la seule évocation du référendum organisé par Athènes provoque encore de telles transes idéologiques dignes des convulsionnaires de Saint-Médard ? Comment expliquer qu'un journal comme le Monde vire, tout à coup, au Granma français relayant la doxa officielle au point que l'on pouvait s'interroger si, le temps d'une campagne, Jean-Marie Colombani n'était pas redevenu, à la barbe de Pierre Bergé, directeur de la rédaction ? Des touristes étrangers francophones qui auraient souhaité s'informer, dimanche dernier, sur le déroulement du scrutin grec auraient vu des présentateurs et présentatrices tous convaincus, pour reprendre le joli lapsus d'un Eric Woerth, de l'ardente obligation de « réformer les Grecs ». Orwellien. D'ailleurs, à cette occasion, on a usé et abusé des termes « les Grecs » comme s'il existait une seule et même entité collective regroupant à peu près toutes les tares des autres nations européennes. Et peu importe, au fond, si une essentialisation aussi grossière est la preuve éclatante et désespérante que, décidément, dans cette affaire la pensée de nos élites médiatiques a définitivement vidé les étriers.

On prétend que l'austérité était sur le point de donner ses premiers résultats comme au Portugal ou en Espagne. Pathétique bobardLe résultat du référendum connu, les matinales de l'info se succèdent et c'est toujours en toute obscénité que les mêmes contrevérités continuent d'être assenées sur la République hellénique. On feint ainsi de confondre la question des subventions européennes et celle de la dette grecque, qui sont deux problèmes différents. On déclare sur tous les tons et sur toutes les ondes que les aides à la Grèce ont servi à nourrir une administration pléthorique ; or, proportionnellement, il y a moins de fonctionnaires dans ce pays qu'en France ou qu'en Allemagne, comme le rappelle Attac. Ainsi, les dépenses publiques de la Grèce représentaient, en 2011, 51,8 % du PIB, contre 55,9 % en France. On oublie tous les précédents où l'annulation ou la restructuration de la dette a été nécessaire pour permettre aux pays endettés de prendre un nouveau départ (Allemagne 1953, Pologne 1991, Equateur 2008, Islande 2011, Irlande 2013...). On notera juste au passage que la France ou la Belgique ont moins barguigné quand il s'agissait de venir au secours de Dexia à coups de dizaines de milliards d'euros.

On prétend que l'austérité était sur le point de donner ses premiers résultats comme au Portugal ou en Espagne. Pathétique bobard pour ces deux pays. Indigne mensonge pour la Grèce, car l'austérité a surtout servi à dégager des capacités de remboursement pour... les créanciers.

Le plus grave dans cette folle séquence aura été la tentative concertée d'une partie des élites européennes de diffamer toute recherche d'une voie alternative à la camisole néolibérale. Et cette tentative a recouru à plusieurs procédés rhétoriques et tours de bonneteau méthodiques, le plus répandu et le plus facile consista à présenter Tsipras comme un novice, préférant les armateurs aux amateurs. On n'a pas craint d'opposer la légitimité d'Angela Merkel à celle du Premier ministre grec. La belle affaire ! Mais qui a décidé de revenir devant les électeurs, risquant ainsi d'être congédié, et qui a décidé de gouverner avec son adversaire social-démocrate d'hier en imposant à son électorat un programme, impossible synthèse, issu des technocrates de la CDU et du SPD ? Pourquoi la fidélité de Tsipras à ses engagements de campagne serait moins respectable que la désinvolture de Merkel à l'égard de ses millions d'électeurs ?

A ce compte, si l'on veut cesser de soupeser stérilement la légitimité de tel ou tel gouvernement, la tâche la plus urgente serait d'organiser un grand référendum dans l'ensemble des pays de l'Union. On verra bien alors ce que pèsent effectivement tous les Juncker, les Monti et tutti quanti. Pour sauver notre communauté de destin, il faut tout changer, tout repenser et l'on n'y parviendra pas si l'on n'arrive pas à dépasser les anciens clivages stériles, les oppositions confortables et toute cette dramaturgie de posture qui nous a condamnés à l'impuissance.

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