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Extrait GEAB N°73 (mars 2013) - Crise politique européenne: entre populisme nationaliste et technocratisme européen, il va être temps de demander leur avis aux peuples

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- Extrait GEAB N°73 (15 mars 2013) -

Extrait GEAB N°73 (mars 2013) - Crise politique européenne: entre populisme nationaliste et technocratisme européen, il va être temps de demander leur avis aux peuples
Alors que depuis le séisme de 2008, le monde gère tant bien que mal les incessantes répliques (blocage politique américain ou psychodrames du plafond de la dette et de la réduction de déficits, sauvetage de banques ou de pays, tantôt dettes publiques européennes, guerre des monnaies, tensions géopolitiques...), l’Europe entre dans une nouvelle phase de la crise, politique cette fois. Jusqu’à présent, le pilotage de l’Europe dans la crise a été effectué par les technocrates de Bruxelles qui ont réussi à surmonter les divergences des États membres pour sauver l’édifice. Dans l’urgence de la situation, régulièrement rappelée par « les marchés » qui font régner la terreur sur l’Occident, la gestion de la crise n’a pas si mal fonctionné et les peuples ont jusqu’à présent accepté les sacrifices sans trop de vagues. Ainsi, la Grèce a tangué, mais pas explosé, les mouvements sociaux en Espagne sont restés mesurés, la désignation de Mario Monti à la tête de l’Italie fin 2011 n’a pas embrasé le pays...

Mais après avoir fait le dos rond pendant le plus dur de la crise en acceptant un tel pilotage, et maintenant que la situation financièro-monétaire est relativement stabilisée, les peuples commencent à vouloir donner leur avis sur la nouvelle configuration du navire. On assiste ainsi au retour du politique en Europe, alors que l’économique a prévalu pendant des années. Et tant qu’il n’existe pas une vraie démocratie européenne la voix des peuples se porte contre les partis nationaux qui, par nature (nationale), ne comprennent rien à la citoyenneté européenne et interprètent cette grogne comme un rejet de l’Europe. En réalité, il s’agit plutôt d’un rejet de l’idée d’une pérennisation des solutions adoptées dans l’urgence, solutions qui, de facto, ont été prises par le niveau européen, seul à même d’avoir la moindre influence sur une crise d’une telle ampleur et de prendre les décisions nécessaires.

Bien évidemment, tapis dans l’ombre, tout un tas de spéculateurs et d’adversaires de l’Europe n’attendent que cela pour clamer au chaos européen dans l’espoir de faire chuter monnaie, économie et gouvernements européens. Dans un tel contexte, et avec une situation économique et géopolitique mondiale très dégradée, l’année 2013 va être difficile pour l’Europe. Sans leadership clair avec une Allemagne en campagne électorale, une Italie bloquée et des tensions vives avec le Royaume-Uni, le bateau va tanguer sévèrement. Néanmoins, notre équipe anticipe que cette crise politique va, in fine (à partir de 2014), renforcer la cohésion politique européenne et permettre la refonte d’une gouvernance européenne, tout comme la crise économique a renforcé sa cohésion économique.

Crise de légitimité du niveau national
Pour la première fois, la période que nous vivons démontre clairement que le pouvoir ne se trouve plus au niveau national, mais européen, où sont prises toutes les décisions importantes. La crise économique a en effet renforcé la cohésion économique de l’Euroland qui s’est doté des outils communs nécessaires pour surmonter la situation. Elle a aussi mis en exergue l’importance du niveau européen, une évidence pourtant lorsque dix-sept pays partagent une monnaie et donc une crise économique communes.

Et, pourtant, la politique se situe toujours au niveau national. Cette dichotomie explique le sentiment d’impuissance des peuples. Mais contrairement à ce que politiques et médias tentent de nous faire accroire, les citoyens européens ne sont pas particulièrement anti-européens (il faut être un peu attentif à cette phrase pour en relever toute l’absurdité d’ailleurs). La preuve, ce ne sont pas des partis eurosceptiques qui sont élus en Espagne, en France, en Italie, à Malte (1), etc. Ne perdons pas de vue que 60% des voix italiennes sont allées à deux partis de gauche non-communiste et démocratique... alors que la Ligue du Nord, seul parti fondamentalement eurosceptique, un parti ayant connu de plus belles heures, n’a obtenu que 4% des voix (2) à l’élection de février. Tous les populistes qui tenteront de gagner des parts de marché sur un calcul du sentiment anti-européen courent à l’échec : on écoutera avec intérêt leurs critiques du système, mais aussitôt que les phrases de type « renoncer à l’euro » seront prononcées, tout le monde ira voir ailleurs (3). Ce serait d’ailleurs beaucoup plus compliqué de revenir à l’Europe des Nations et des monnaies antérieure au traité de Maastricht, disons, que de franchir les dernières marches nécessaires pour parachever l’intégration politique et démocratique d’un nouvel édifice européen (ou tout au moins eurolandais).

Malgré les difficultés économiques, on n’assiste pas non plus à une montée fulgurante des extrêmes droites, ce qui est un indicateur encourageant. Car lors de graves crises, on trouve dans l’histoire deux types de réactions populaires : il y a l’attitude progressiste, consistant à élire un Roosevelt, par exemple, mais qui n’est possible que lorsque des solutions d’avenir existent ou sont créées ; et puis, il y a l’attitude radicale, consistant à élire un Hitler, correspondant généralement à un sentiment d’avenir bouché qui jette les peuples dans les bras du plus fou ou du plus menteur. Bien sûr, nous ne prétendons pas qu’il existe un Roosevelt aujourd’hui en Europe – il s’en faut de beaucoup –, mais les résultats des élections dans la zone euro, par leur caractère finalement assez mesuré, prouvent que les peuples ne sont pas affolés. Et si les partis conservateurs tendent à perdre de vastes parts de marché, c’est en raison de leur implication dominante au pouvoir en Europe au début de la crise, du brouillage qu’ils ont souvent fait en termes de contenu entre eux et l’extrême droite, et aussi de la présence dans les rangs des droites européennes des contingents d’ultra-libéraux, véritable repoussoir (Merkel en fait l’expérience ces temps-ci) du fait de la débâcle que connaît actuellement cette idéologie, conséquence logique d’une crise qui est aussi celle de l’ultra-libéralisme. En revanche, au Royaume-Uni et en Hongrie, où l’avenir est singulièrement bouché dans ces pays empêtrés dans des problèmes autrement plus graves qu’en zone euro, ce sont les extrêmes droites qui montent. Un indicateur du niveau de délabrement des pays.

Les résultats éventuellement un peu fantaisistes des élections italiennes envoient également le message que les peuples prennent peu à peu conscience que les « responsables » qu’ils vont élire dans le cadre national ne sont en fait pas responsables de grand-chose d’autre que de leurs discours. En effet, dans l’édifice européen actuel, on peut constater qu’un pays comme la Belgique peut vivre sans gouvernement pendant un an et demi (4) sans que cela empêche celle-ci de fonctionner. Tant de choses sont décidées à Bruxelles. De même pour l’Italie actuelle : si un gouvernement n’est pas formé (5), le cadre européen empêche néanmoins nombre de dérives et la situation appelle les dirigeants italiens à des compromis. Les marchés réagissent, certes, ne serait-ce que pour prouver qu’ils lisent les journaux, mais leurs sautes d’humeur sont de bien courte durée.

Potentiel démocratique du niveau européen
Mme Merkel et M. Cameron ont eu beau jeu de crier victoire après leurs négociations du budget européen, revu à la baisse pour la première fois de l’histoire (en échange de la reconduction de leurs chèques européens respectifs), et ce précisément au moment où l’Europe n’a jamais concentré autant de pouvoirs. C’est bien le Parlement qui a eu le dernier mot avec son vote de défiance historique contre ce budget (6) à 506 voix contre 161. C’est la première fois que le Parlement, seul organe conçu pour représenter les intérêts des citoyens européens (une prérogative qui a malheureusement été bien mal utilisée jusqu’à présent), ose défier le Conseil de l’Union et remettre en question la logique des lobbies nationaux qui prévaut lors des négociations du budget en dehors de tout mandat démocratique. Et la soi- disant défaite de la position de M. Hollande lors de la négociation budgétaire se transforme en victoire, notamment pour ce discours (7) très applaudi prononcé devant le Parlement européen et non devant le Conseil, un signal clair envoyé vers cette institution, ainsi appelée à prendre la mesure de ses potentialités et de ses responsabilités démocratiques.

Le Parlement compte d'ailleurs transformer l'essai grâce aux élections européennes de 2014. Les premières qui devraient commencer à ressembler à de vraies élections européennes, avec têtes de liste et programmes communs pour chaque famille politique européenne (8), permettant aux citoyens européens de s’approprier le débat comme ils avaient démontré être capables de le faire lors des campagnes référendaires en 2005. La Commission européenne elle-même, pourtant rétive à toute évolution démocratique pendant plus de vingt-cinq ans, se fend d’un livre blanc sur l’européanisation des élections européennes, avec peut-être une journée d’élection unique dans toute l’Europe et la désignation du président du Conseil lors des élections (9). L’idée de commencer la campagne au plus tôt permettrait également de rendre plus vite la main aux peuples à un moment où l’Europe en a bien besoin. Quant au contenu, il est tout trouvé : c’est le débat autour de l’allocation des fonds européens, quel qu’en soit le montant. C’est d’ailleurs là-dessus et non sur le montant du budget négocié par Cameron et Merkel que le Parlement européen a bloqué.

Et l’on se rend compte avec stupeur que la seule chose qui manquait jusqu’à présent, c’était la volonté politique ; les moyens pour ouvrir le jeu aux citoyens paraissent si simples finalement. Mais lorsque l’on sait, comme LEAP le sait, à quel point le système politique national d’une part et administratif européen d’autre se sont arc-boutés contre toute évolution dans ce domaine pendant les 25 dernières années, cela donne une idée du degré de panique qui règne actuellement à tous les étages (national et européen).

Évidemment ces évolutions risquent d'être contrariées par le Royaume-Uni, grand responsable du blocage à l’union politique depuis 1989, et qui ce faisant ferait un petit pas supplémentaire vers la sortie. Mais si elles peuvent être plus lentes et plus chaotiques, elles sont maintenant irrémédiablement lancées, et au pire se feront comme toujours désormais autour du noyau dur de la zone euro. Il n'est d'ailleurs pas certains que les Anglais, accaparés par leurs graves problèmes intérieurs, aient vraiment envie de continuer à se battre sur ce point.

Le retour du politique en Europe
Certes, les marchés dictent encore un certain nombre d’ajustements aux pays européens. Mais les élections successives de gouvernements sociaux-démocrates, ou l’influence de Beppe Grillo, ou même le virage à gauche de Peer Steinbrück en Allemagne (10) qui pourra peser dans une probable coalition CDU-SPD (11), en créant de facto une convergence politique des niveaux nationaux, permettent d’espérer une diminution des désaccords entre États et ouvrent la voie à des actions plus courageuses, car moins controversées, comme la poursuite de la régulation de la finance (comme la taxe sur les transactions financières ou le plafonnement symbolique des bonus).

L'initiative Minder en Suisse qui donne des idées en Europe (12), ou le projet de régulation du trading haute fréquence par le Sénat français (13), et toutes les autres initiatives du même genre, sont ces petites touches qui complètent petit à petit un tableau impressionniste reflétant le retour du politique en Europe. On assiste ainsi à un adoucissement des politiques d’austérité, prônées jusqu’à présent, pour des solutions plus équilibrées prenant en compte la croissance et l’emploi. Ce qui tombe fort à propos, c’est que le FMI est d’accord avec cette évolution, car les plans stricts d’austérité ont déjà commencé à provoquer d’importants dégâts sur les autres économies mondiales. Si les intérêts des grands argentiers se mettent à ressembler temporairement à ceux des citoyens, tous les espoirs sont permis !

Lorsque l’Europe a été confrontée à la crise économique, les réponses ont été économiques et ont entraîné une plus grande cohésion dans ce domaine. Maintenant que la crise est politique, les réponses doivent être politiques et apporteront une plus grande cohésion dans ce domaine.

Conformément au pari des fondateurs de l’euro, l’introduction de la monnaie unique entraîne donc inexorablement la naissance d’une union politique, même si celle-ci se fait dans la douleur et dans l’urgence. Le chemin est encore long et semé d’embûches, mais l’équipe de LEAP/E2020 ayant eu le privilège de travailler avec Franck Biancheri, inlassable penseur et acteur de la démocratisation européenne pendant trente ans (14), malheureusement décédé le 30 octobre dernier à l’âge de 52 ans, elle ne peut que s’émerveiller des bruissements de cette démocratisation enfin en marche après tant d’années de silence absolu.

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Notes :

(1) Source : EUObserver, 11/03/2013.

(2) Source : Wikipédia.

(3) Franck Biancheri avait l’habitude de dire « On ne demande pas au poisson s’il est pour ou contre l’eau, on lui demande comment il veut que son aquarium soit arrangé ».

(4) Source : Wikipédia.

(5) Lire par exemple La Tribune, 11/03/2013.

(6) Révolte du Parlement de Strasbourg contre le projet de budget européen, Le Monde, 13/03/2013.

(7) Source : LCP, 05/02/2013.

(8) Source : EurActiv, 17/09/2012.

(9) Source : EuroNews, 12/03/2013.

(10) Source : La Tribune, 12/03/2013.

(11) Lire le GEAB n°70, décembre 2012.

(12) Source : Der Spiegel, 04/03/2013.

(13) Source : La Tribune, 13/03/2013.

(14) Un livre doit d’ailleurs bientôt paraître sur l’immense travail de Franck Biancheri dans ce domaine.

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