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Agir contre la pauvreté
Qui oserait le nier aujourd'hui ? La pauvreté existe en France. Notre pays compte 4 à 7 millions de pauvres, adultes et enfants, dont environ 2 millions de « travailleurs pauvres », pas tous, loin de là, au chômage ou en contrats précaires. D'ailleurs, les pauvretés sont multiples et ont des origines diverses : inégalités sociales anciennes, comme les revenus, le patrimoine ou le milieu social d'origine, mais aussi inégalités nouvelles comme l'illettrisme, le lieu d'habitation, la couleur de peau, ou encore ce que l'on appelle pudiquement les accidents de la vie. Au travers de ses revendications sur les grands dossiers sociétaux, la CFDT agit de façon concrète pour faire reculer la pauvreté en France. Mais la lutte contre la pauvreté, c'est aussi l'affaire des délégués syndicaux dans leurs entreprises. Connaître les multiples situations de pauvreté est indispensable pour s'attaquer à leurs causes et conséquences. Alors, quand on parle de pauvreté, de quoi parle-t-on ? En quoi l'acteur syndical est-il concerné et que peut-il faire ? Pour tenter de répondre à ces questions, l'UD de Paris, lors de son conseil du 30 mars dernier, accueillait ANNICK GARONNE, secrétaire du Conseil national des politiques de lutte conte la pauvreté et l'exclusion sociale jusqu'à novembre 2006, et JACQUES RASTOUL, secrétaire confédéral CFDT, chargé de la lutte contre les exclusions, de l'insertion par l'activité économique, de l'économie sociale et solidaire, de l'organisation des chômeurs. Ce dossier se veut à la fois une synthèse de leurs interventions et un approfondissement,pour permettre à chacun, là où il se trouve, d'être mieux armé pour participer, aussi modestement soit-il, à cette lutte contre la pauvreté. Comment est définie la pauvreté ?La seule définition « officielle » de la pauvreté est celle retenue par l'UE qui considère comme pauvres « les personnes dont les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l'État membre où elles vivent ». Cette définition fait apparaitre trois éléments importants pour la mesure de la pauvreté : la définition de la pauvreté est conventionnelle : le choix d'une définition de la pauvreté est un acte politique (implicitement normatif) qui consiste à identifier, au sein d'une population totale, une population « pauvre » sur la base de critères reposant sur de multiples choix, qu'ils résultent de représentations sociales ou de considérations techniques ; la pauvreté est un phénomène relatif puisque définie en fonction des « modes de vie minimaux acceptables », par essence variables dans le temps et dans l'espace. C'est une approche en termes d'inégalités de répartition des ressources : sont considérés comme pauvres les personnes dont les revenus (soit les ressources monétaires) sont les plus faibles au sein de la population à un moment donné ; la pauvreté est un phénomène multidimensionnel et ne saurait se réduire à l'absence ou à la privation de ressources monétaires : ce sont l'ensemble des conditions de vie d'un ménage qui doivent être considérées pour évaluer les situations de pauvreté, ce qui implique de s'intéresser à d'autres dimensions du bien-être que les seules ressources monétaires ; on observe alors, pour chacune des dimensions étudiées (logement, emploi, santé, éducation...), l'existence de populations défavorisées, les populations pauvres se caractérisant par le cumul de difficultés dans plusieurs de ces domaines. Les trois éléments caractéristiques de la pauvreté (convention, relatif, multidimensionnel) ont des conséquences sur les indicateurs retenus pour mesurer le phénomène. En France, on retient généralement trois types d'indicateurs pour mesurer la pauvreté : des indicateurs de pauvreté « monétaire »qui s'attachent aux individus dont les niveaux de vie sont inférieurs à un moment donné, à un niveau dit « seuil de pauvreté ». Le niveau de vie correspond au revenu disponible (revenus déclarés à l'administration fiscale+ prestations sociales - impôts directs) rapporté au nombre « d'unités de consommation » (nombre de personnes vivant au foyer, pondéré par un coefficient selon l'âge de ces personnes). Le seuil de pauvreté est défini par rapport à la médiane des niveaux de vie. À titre indicatif, au 31 décembre 2005 (derniers chiffres connus), il était d'environ 740 €par mois pour une personne seule. Pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans, son montant se situait aux alentours de 1550 €, et 1 847 € si les deux enfants ont plus de 14 ans. des indicateurs de pauvreté « en conditions de vie », qui mesurent l'absence ou la difficulté d'accès à des biens d'usage ordinaire ou de consommation de base. C'est la prise en compte de la pauvreté sous l'angle des difficultés matérielles. Il s'agit là des personnes cumulant un certain nombre de privations par rapport à une situation de bien être matériel standard comme par exemple l'eau chaude courante. des indicateurs de pauvreté mesurée par les minima sociaux, qui identifient comme pauvres les personnes qui perçoivent une aide dont un des objectifs est de lutter contre la pauvreté. L'état des lieux de la pauvretéEn 2004, 6,9 millions de personnes vivaient en France en dessous du seuil de pauvreté, soit 11,7% de la population. En 1996, ce taux était de 13,5%. Le nombre de personnes pauvres a donc décru régulièrement entre 1996 et 2002. Mais, les années 2003-2004 présentent une rupture avec une remontée d'individus très pauvres (niveau de vie inférieur à 40%). L'Ile-de-France, qui accueille 18,7% des habitants de la France métropolitaine, est la région la plus riche de France, mais aussi la plus inégalitaire. Le fait que les franciliens aient, en moyenne, des revenus plus élevés qu'en province tient d'un coté à une plus grande proportion de cadres et de femmes actives, et de l'autre à une proportion plus faible de retraités et d'ouvriers. Le ratio entre les plus hauts et les plus faibles revenus est de 7 en Ile-de-France, contre 5 en province. En revanche, le niveau de revenus en dessous duquel vivent les 10% de franciliens aux revenus les plus faibles est inférieur de 3% à celui de la province. De plus, les écarts de revenus se sont aussi creusés entre les départements franciliens, et les disparités entre communes sont encore plus marquées. Selon « les Revenus et Le Patrimoine des Ménages » INSEE Référence, 2006, la pauvreté est devenue plus urbaine que par le passé. L'agglomération parisienne accueillait 10% des personnes pauvres vivant en France en 1996, mais 14% en 2004. En 2005, le taux de chômage de l'Ile-de- France est passé en dessous de la barre des 10% et a retrouvé son niveau de 2002. Mais les indicateurs de pauvreté continuent de clignoter. Au 31 décembre 2005, 505000 personnes perçoivent un minimum social, soit une hausse de 4,6% par rapport à 2004. Parmi ces personnes, 230000 bénéficiaires du RMI. En tenant compte de la composition des ménages, environ 403000 personnes vivent, fin 2005, dans un foyer percevant le RMI, soit 3,6% des franciliens. Les disparités départementales sont notables : 1,7% dans les Yvelines, 7,3% en Seine-Saint-Denis et 4,3% à Paris. Selon les données des Caisses d'Allocations Familiales, environ 500 000 foyers disposent de « bas revenus », soit près de 1120000 personnes, dont 450000 enfants de moins de 20 ans. Ainsi, un francilien sur 10 vit dans un foyer en dessous du seuil de bas revenus, avec, là aussi, de fortes disparités territoriales. Les couples avec enfants représentent 21% des allocataires à bas revenus en 2005, et les familles monoparentales 24%. Les moins de 20 ans sont particulièrement touchés. Ils sont 15% à vivre dans un foyer allocataire à bas revenus. Et là encore, les écarts entre départements existent. Le taux est de 9% dans les Yvelines, de 27% en Seine-Saint-Denis et de 17% à Paris. En parallèle, on observe un appauvrissement des ménages occupant un logement du parc social. Les difficultés d'accès au logement amènent à une plus grande sollicitation des services d'aide et d'hébergement. À Paris, en 2005, environ 19450 personnes ont été hébergées via le 115 de Paris. Plus largement, en moyenne chaque nuit, ce sont 10000 personnes « sans domicile » en famille qui ont été hébergées en hôtel. Et les « travailleurs pauvres » dans tout ça ?Selon une enquête réalisée la nuit du 26 janvier 2006 par la DRASS Ile-de-France, 5869 adultes ont été hébergées en Ile-de-France dans le niveau d'hébergement le plus précaire. Parmi eux, 15,8% étaient de nationalité française ou étrangère en situation régulière et avaient un emploi déclaré, soit environ 930 personnes. Près de 75% étaient hébergées depuis plus d'un mois et 25% depuis plus de 6 mois. Le risque d'être pauvre est cinq fois moins élevé pour les actifs occupés que pour les chômeurs (le taux de pauvreté chez les chômeurs est de 31,9%), mais occuper un emploi ne met pas à l'abri de la pauvreté. 1,6 million de personnes actives occupées vivent en dessous du seuil de pauvreté (soit 65% des actifs pauvres). On entend par travailleurs pauvres les per- sonnes qui travaillent mais dont le ménage a un revenu inférieur au seuil de pauvreté monétaire. Et il faut faire attention à ne pas confondre travailleur pauvre et travailleur à bas salaire : le niveau de vie d'un travailleur est déterminé par le niveau global des ressources disponibles au sein du ménage et par le nombre de personnes qui vivent de ces res- sources : revenus d'activité ou retraite des différents membres du ménage, prestations sociale, revenus du patrimoine... Les causes de cette situation peuvent être diverses : faible rémunération, travailleurs indépendants, salariés en emploi « précaire » (intérim, contrats aidés, CDD...), travail à temps partiel, mais aussi caractéristiques familiales. Certaines configurations familiales confèrent un risque de pauvreté plus important. Par exemple, un travailleur payé au SMIC (960 €net par mois), s'il vit avec un conjoint n'ayant pas de revenu ou avec un enfant, sera pauvre. Enfin, le risque de pauvreté est plus élevé pour les travailleurs de moins de 25 ans (16%) et les travailleurs les moins diplômés sont les plus vulnérables (42% n'ont aucun diplôme ou seulement le CEP). Mais que peut faire la CFDT ?La CFDT est impliquée dans les grands dossiers sociétaux que sont la protection sociale, l'Assurance-chômage, l'Assurance-maladie, les retraites, la formation initiale et continue, le logement, la politique familiale, la politique de l'emploi et son développement, les minima sociaux. Au plan national et territorial, la CFDT est engagée dans une approche interprofessionnelle et intergénérationnelle des solidarités renouvelées pour faire face aux différents aspects de la pauvreté dans notre pays et aux garanties préventives (négociations et accords : Santé au travail, FPC, égalité professionnelle, CRP, seniors, pénibilité au travail, diversité discriminations, etc.). L'entreprise et la branche sont désormais davantage concernées Depuis quelques décennies, la nouveauté est que cette préoccupation syndicale sur la pauvreté pénètre les tissus des entreprises et des branches notamment par l'accroissement de la précarité de l'emploi et l'éclatement de cellule familiale traditionnelle. Les politiques de revenu du travail sont au centre de cette préoccupation syndicale et la CFDT agit pour une autre redistribution des fruits du travail par : le relèvement des bas salaires, Mais aussi : l'ouverture de l'intéressement et de la participation à tous les salariés quel que soit son contrat de travail et la taille de son entreprise, Au plan sociétal et interprofessionnel, la CFDT veut : Un État qui assure l'équité, la gouvernance publique et l'articulation avec les autres acteurs La CFDT est engagée dans des centaines d'actions et expérimentations avec de nombreux partenaires. Qu'il s'agisse de passerelles pour faire accéder à l'emploi sur un territoire des personnes éloignées et en difficulté, de l'accompagnement de salariés d'insertion dans l'entreprise, de l'insertion des jeunes, des personnes handicapées, de la lutte contre les discriminations, l'égalité hommes-femmes, l'illettrisme, le racisme au travail, le logement social, la politique de la ville, le surendettement. En plus des garanties individuelles et collectives à négocier et des réformes à engager, les pratiques et attitudes à adopter dans ces actions sont importantes. À la CFDT, nous ne voulons pas seulement dénoncer ces situations, nous voulons aussi répondre aux inquiétudes, mais sans cultiver les peurs et en évitant les simplismes. Cela signifie : Connaître et agir sur les causes et conséquences multiples de la pauvreté ; Notamment : expliquer les processus d'entrées et de sorties de la pauvreté et d'exclusion, démontrer qu'on peut en sortir et à quelles conditions ; L'urgence de la crise actuelle nécessite la construction d'un pacte social pour engager toute la société dans une solidarité nationale pour faire reculer massivement la pauvreté et les exclusions. Cela suppose des rencontres avec des mondes qui se méconnaissent ou travaillent insuffisamment ensemble (État, secteur public, entreprises, syndicats, associations). Pour s'engager dans la construction des solutions possibles, il sera nécessaire de construire un état des lieux partagé puis de dégager des priorités. C'est à ces conditions que nous pourrons faire reculer massivement la pauvreté et l'exclusion. La CFDT veut être partie prenante d'un tel débat social. Sources : Mission d'Information sur la Pauvreté et l'Exclusion Sociale en Ile de France (MIPES Ile-de-France) – Documents de la confédération CFDT.
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