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Newsletter n°11 Day One : Avocat – Directeur Juridique : quelle relation pour demain ?

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Newsletter n°11 Day One : Avocat – Directeur Juridique : quelle relation pour demain ?
« On ne choisit pas sa famille, mais on peut choisir ses amis ! », Si coté avocat, on a coutume de dire qu’on a les clients que l’on mérite, l’inverse est vrai, coté Directeur juridique, on a les avocats que l’on mérite. Théorisée par l’anthropologue Gregory Bateson (1) puis développée par l’Ecole de Palo Alto et Paul Watzlawick, notamment, la relation interpersonnelle s’organise selon deux niveaux, un niveau « contenu » et un niveau « relation ». Aujourd’hui, ces deux niveaux évoluent, et qu’on le veuille ou non, la relation « avocat – directeur juridique » est en pleine (r)évolution. Et entre l’ancien paradigme et le nouveau, ainsi que l’avait en premier démontré Thomas Kuhn (2) dans « La Structure des révolutions scientifiques » , il y a une période de flou et d’instabilité qui ne s’arrête qu’au moment où le nouveau paradigme se fige. D’ores et déjà, un certain nombre de nouveaux paramètres semblent se préciser.


Parmi ces nouveaux paramètres, souvent dictés par la réalité économique, stratégique et managériale des entreprises, deux ont retenu notre attention : la notion de Valeur et la notion de Relation.

La valeur se définit par rapport à un contexte
Un mouvement important, né aux Etats-Unis voilà de nombreuses années autour du concept de « value pricing », intéresse de plus en plus les cabinets d’avocats et les Directions Juridiques. Un cabinet américain (Drinker Biddle & Reath) vient même d’annoncer la création cet été d’un poste de « Chief Value Officer ». Mais quelle est la réalité aujourd’hui ? Prenez le par tous les angles, que ce soit la crise économique, l’offre concurrentielle pléthorique, la professionnalisation des Directions juridiques, la pression des Directions générales sur celles-ci, la course à la rentabilité… l’attente première d’un client face à un conseil est l’apport d’une valeur ajoutée tangible et palpable répondant à ses préoccupations. La grande nuance et l’énorme révolution pour certains réside dans le fait qu’une même personne sur un même sujet n’apporte pas nécessairement le même niveau de valeur ajoutée perçue par le client. Truisme me direz-vous ? Pas tant que cela. Car l’avocat et le juriste sont le plus souvent formés tout au long de leurs études à la notion de valeur ajoutée intrinsèque à leur consultation ou argumentation, pas à la valeur ajoutée que nous appellerons « contextuelle », à savoir pour une entreprise, une situation, une réalité, un objectif… Et pour en ajouter davantage, une fois dans la vie professionnelle, le marché n’a rien trouvé de mieux, depuis la seconde guerre mondiale, que d’utiliser le pire des indicateurs de la valeur, à savoir le « taux horaire ». Dès lors, certains croient qu’en affichant un taux de 400 euros, 600 euros ou 800 euros, leur valeur ajoutée est toujours la même, à savoir 400 euros, 600 euros ou 800 euros. Nous pensons, ainsi que nous l’avions écrit dans un éditorial de la Lettre des Juristes d’Affaires (3), qu’il faut en finir avec le taux horaire. Il faut arrêter de penser « dossiers » et se mettre à penser « clients ». Pour une situation déterminée, un avocat pourra facturer son taux plein, quand pour d’autres situations, le même avocat aura du mal à passer 50% de son taux, sans parler du cas où il aurait pu passer le double de son taux ! Dès lors, quelle incompréhension s’installe entre l’avocat et le Directeur juridique quand l’un matérialise la valeur en multipliant son taux horaire (et celui de ses collaborateurs suivant l’effet de levier structuré par son business model) par le nombre d’heures passées, et quand l’autre attend, en fonction de son contexte professionnel (et parfois personnel ou politique), une valeur ajoutée plus ou moins grande, plus ou moins importante, pour une situation plus ou moins stratégique avec toutes les nuances que l’on peut imaginer ! Et à l’inverse, quel manque à gagner lorsqu’un avocat ultra spécialisé permet, en une heure de son temps, d’apporter un grand nombre de réponses à une situation complexe, là où un autre avocat moins spécialisé ou moins expérimenté passerait plusieurs heures… Quand la facture ne reflète en rien la valeur apportée !
Bien sûr, les processus de contrôle et d’analyse des factures détaillées mis en place par les Directions juridiques, d’autant plus facilement que l’avocat utilise le taux horaire d’ailleurs, feront tout de suite revoir les prétentions de ce dernier à la baisse. Dès lors, quels moyens de négociation aura-t-il ? Quel niveau de relation développera-t-il ? C’est exactement le genre de situations qu’il faut éviter, tant du coté avocat que du coté Directeur juridique, et c’est pourtant ce genre de situations qui se développent aujourd’hui et, une fois encore, pour le plus grand malheur de la « Relation » et donc des deux protagonistes, l’avocat et le Directeur juridique.

Comment en sortir ? Ne plus parler de ce concept flou de « valeur ajoutée » et le remplacer par deux notions : en amont la « valeur ajoutée attendue » et en aval la « valeur ajoutée perçue ». Garder ces deux notions en tête, tant pour l’avocat que pour le Directeur juridique, permet de redéfinir l’ensemble de la relation mais surtout de l’ancrer sur des bases saines. Certes, les comportements devront changer, les avocats devront questionner, écouter et mieux comprendre le métier et les préoccupations stratégiques, politiques, économiques et humaines de leurs clients. De leur coté, les Directeurs juridiques devront passer plus de temps à réfléchir au pourquoi je fais appel à un avocat, quel problème concret je souhaite régler, qu’est ce que j’en attends pour mon entreprise, mon équipe, moi-même… La « maïeutique de la valeur » doit s’installer entre le Directeur juridique et l’avocat. Une fois définie en amont, à charge pour l’avocat, bien sûr, de la délivrer, mais aussi de s’assurer quelle est perçue tout au long du dossier et en aval à la fin du dossier. Enfin, réalité de la vie oblige, si les paramètres venaient à changer, chacun doit pouvoir alerter l’autre et reprendre cette maïeutique de la valeur afin de redéfinir ou repréciser concrètement les attentes. Pour ce faire, nombre de techniques, méthodes, processus et indicateurs peuvent être mis en place pour faciliter l’éclosion et l’échange autour de cette valeur « attendue et perçue ».

Valeur et « business model »
Si l’on pousse encore plus loin la réflexion sur la valeur, ce que petit à petit les Directions juridiques et les cabinets d’avocats commencent à faire, immédiatement des questions de « business model », de positionnement et d’organisation des ressources humaines se posent. Coté « business model », on sait maintenant que chaque heure d’avocat n’a pas la même valeur selon le client, chaque client est différent et va définir (ou devrait définir) cette valeur, au travers de sa stratégie et de son propre « business model ». Pour les Directions juridiques, une analyse de ce type nous parait aujourd’hui indispensable afin de savoir quel type d’organisation (équipes internes, cabinets d’avocats, LPO firm…) permet d’accompagner au mieux le développement de son entreprise tout en maitrisant parfaitement ses risques. De là, des prestations à forte valeur ajoutée (pour lesquelles il faudra mettre le prix !) existent, mais aussi des prestations à faible valeur ajoutée (utiles aussi !), répétitives ou non répétitives. Tout comme la cartographie des risques est primordiale aujourd’hui pour toute entreprise, une cartographie de la valeur devrait être réalisée tant du coté des Directions juridiques que des cabinets d’avocats. Quelles sont les zones où la valeur attendue est la plus forte et indispensable et quelles sont les zones ou la valeur ajoutée est plus faible et moins stratégique pour l’entreprise. De là découle la réflexion sur les ressources à recruter, à intégrer puis à former et à retenir en interne mais aussi des ressources externes voire externalisées avec lesquelles il faut être clair sur le type de relation souhaitée.

Parlez-vous « budget » ?
Autre point important, nous semble-t-il, et source d’incompréhension et de désagrément, la notion de budget. Lorsqu’un Directeur Juridique parle de ‘budget’, le plus souvent l’avocat entend ‘forfait’. Il serait préférable de réellement parler « valeur » et « suivi budgétaire ».
Il est temps de mettre la relation au clair avant qu’elle ne s’envenime ! Soyons honnêtes, la notion de « budget » n’a ni été créée par les Directions juridiques, ni créée spécifiquement pour « embêter » (le mot est faible !) les avocats. Le budget est en réalité un processus de gestion adopté par des entreprises, non pas d’une certaine taille, mais démontrant plutôt une réelle maturité managériale. Bien structuré, le budget favorise une gestion saine de l’entreprise, mal défini, il peut vite devenir le « fléau des entreprises » comme le décriait Jack Welch, ancien PDG de General Electric. Mais aujourd’hui, le processus budgétaire concerne l’ensemble des fonctions de l’entreprise, du commercial au marketing, de la finance au juridique… et au-delà, toutes les parties prenantes de l’entreprise sont intégrées à ce processus, partenaires, sous-traitants, fournisseurs. Ce phénomène n’est pas une attaque en règle de la part des Directions juridiques à l’attention des avocats, mais un fait économique dont les deux acteurs doivent sortir gagnants. Quant à l’avocat qui répond qu’il n’est pas possible de faire un budget, il se trompe de sujet ! Ne pas pouvoir faire de forfait, bien sûr, nous sommes d’accord, mais un budget ? Est-ce moins difficile de faire un budget pour construire une centrale nucléaire pour Areva, ou encore un train pour Alstom ou un pont suspendu pour le groupe Eiffage… ? L’expérience passée et les références, souvent mises en avant par les cabinets d’avocats dans leurs réponses aux appels d’offres, ne peuvent-elles pas servir à donner une idée de budget, à sortir des statistiques même avec des guillemets et du conditionnel ? Ensuite, tout n’est qu’une question de communication avec son client et de reporting tout au long de la mission pour l’informer de l’évolution ou non du budget en fonction des aléas de la vie du dossier et des différents acteurs concernés. Le Directeur juridique pourra alors revoir son budget et surtout ses nouvelles prévisions budgétaires et « reforecasts » afin que l’entreprise continue d’aligner la réalité économique de l’entreprise avec le processus budgétaire. Ainsi que vient de le résumer dans sa dernière publication le Citi Private Bank's Law Firm Group leaders, suite à plusieurs entretiens avec des General Counsel, « Cost Reduction is Good, Cost Certainty is Better! ».
Là encore, le contenu est une chose, la relation en est une autre. L’un ne va pas sans l’autre. Si la crise a apporté un plus, cela doit être dans l’amélioration et la clarification de la relation entre Directeurs juridiques et avocats. Il faut désormais choisir, en fonction de la valeur et du positionnement souhaité, le type de relation voulu des deux cotés que ce soit fournisseurs, prestataires, partenaires ou le fameux « trusted advisor » et aligner les ressources, les process, les outils technologiques et la stratégie prix en conséquence. Rien n’est impossible, seuls le flou et l’incohérence sont destructeurs de valeur en la matière.

(1) Gregory Bateson - Steps to an Ecology of Mind : Collected Essays in Anthropology, Psychiatry, Evolution, and Epistemology, 1972 University Of Chicago Press.
(2) Thomas S. Kuhn - The Structure of Scientific Revolutions, 1962 International Encyclopedia of Unified Science
(3) Olivier Chaduteau - « De l’opportunité d’en finir en le taux horaire », 1er mai 2009 Editorial de la Lettre des Juristes d’Affaires


Olivier Chaduteau

www.dayone.fr

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